L’opposition tardive à l’ordonnance d’injonction de payer
Comme nous l’avons vu ailleurs, la procédure d’injonction de payer, qui est une procédure destinée au recouvrement de créances, présente la particularité de permettre au débiteur de former opposition à l’ordonnance qui le condamne à payer une somme d’argent tant que cette ordonnance n’a pas été signifiée à sa personne, ou tant qu’elle n’a pas été mise à exécution au moyen d’une saisie des meubles, des comptes, etc.
Cela permet au débiteur de former opposition à une ordonnance très ancienne qui n’a pas été signifiée ou exécutée convenablement par l’huissier de justice, à tel point qu’il est courant de voir des ordonnances faire l’objet d’oppositions plus de 15 ans après le moment où elles ont été rendues.
Cette situation peut résulter de la négligence du créancier, qui après une exécution infructueuse archive le dossier avant de le déterrer des années plus tard ; mais également d’une cession de créance.
En effet, dans le cadre d’une cession de créance, un établissement de crédit cède un portefeuille de créances, généralement à un organisme de recouvrement. Les créances que l’établissement de crédit estimait irrecouvrables (par exemple s’il estime que le débiteur est en situation d’insolvabilité) seront remises au recouvrement par l’organisme de recouvrement, qui voudra rembourser ses frais de rachat.
C’est ainsi que des ordonnances d’injonction de payer très anciennes peuvent parfois ressurgir et faire l’objet de mesures de recouvrement agressives des années après le moment où elles ont été rendues.
Cela nous amène à nous interroger : quelles interférences avec le droit au retrait litigieux ?
L’opposition et le droit au retrait litigieux
L’article 1699 du code civil dispose :
"Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite."
Ainsi, la créance qui était litigieuse au moment de sa cession peut être rachetée au cessionnaire, à son prix de rachat, c’est-à-dire à vil prix. Une créance est litigieuse lorsqu’elle fait l’objet d’une procédure judiciaire au moment de sa cession.
Pour autant, peut-on considérer que la créance était litigieuse au moment de sa cession au motif que n’ayant pas été signifiée à personne et n’ayant fait l’objet d’aucune mesure d’exécution, elle demeurait contestable ?
En d’autres termes, peut-on considérer que la créance est litigieuse tant qu’elle peut faire l’objet d’une procédure judiciaire ? Cette idée renvoie in fine à la notion d’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire au fait qu’une décision ne devient définitive, c’est-à-dire revêtue de l’autorité de la chose jugée, qu’à compter du moment où elle ne peut plus être contestée.
La cour de cassation, par la voix de sa première chambre civile, répond de façon parfaitement claire au terme d’un arrêt en date du 6 septembre 2017 (n° 15-23.722) :
"Attendu que, pour admettre le droit de retrait de Mme X sur le fondement de l'article 1699 du code civil, l'arrêt retient que, n'ayant pas été signifiée à personne avant la cession de créance, l'ordonnance d'injonction de payer pouvait ultérieurement être frappée d'opposition, de sorte qu'elle ne constituait pas un titre fixant définitivement la créance et qu'au jour de la cession, le droit de la société était litigieux ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, le droit cédé n'avait fait l'objet d'aucune contestation sur le fond antérieurement à la cession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;"
Ainsi, les juges suprêmes font une interprétation stricte des articles 1699 à 1701 du code civil, et considèrent que la créance doit être contestée devant un tribunal au moment de sa cession, c’est-à-dire au moment de l’établissement de l’acte de cession, pour pouvoir être rachetée.
Topo sur le rachat de créance
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La créance doit être effectivement contestée au moment se cession pour pouvoir être rachetée. |
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Cet article a été écrit par Raphaël Morenon. |
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